Appel à communication

Terrains en transitions

22 novembre 2022, Maison Européenne des Sciences de l'Homme et de la Société, Lille

 

Introduction

La notion de transition connaît un regain d’intérêt certain depuis plusieurs décennies. Que ce soit au travers de l’explosion de la population mondiale, les avancées technologiques, l'accélération du processus de mondialisation, ou encore les profonds changements subis par nos environnements physiques, tout laisse à penser que nous vivons une époque charnière. Le concept de la transition, largement mobilisé dans le débat public, s’avère capable de « capter l’esprit de l’époque » (Chabot 2015).

Faisant référence au passage d'un état à un autre, qu’il soit brutal ou graduel, la notion de transition est polysémique et englobe une multitude de phénomènes et de réalités. Elle est de ce fait mobilisée au sein de divers champs disciplinaires, que ce soit en géographie, en aménagement, en sociologie, en philosophie, en économie ou en droit. Le terme, à la fois politique et politisé, est aujourd'hui utilisé par des instances gouvernementales (Ministère de la Transition écologique) et mobilisé de manière récurrente dans le cadre réflexif de la crise environnementale. 

Le terme de « transition » émerge dès les années 1970 dans le Rapport Meadows qui interroge les limites de la croissance en réponse à la crise écologique, en appuyant une « transition vers l’équilibre global » (Meadows et al. 1972). La transition se transcrit également à travers plusieurs thématiques de recherche (qui dépassent le champ environnemental) comme les transitions économiques, urbaines, sociétales, etc. Comme le souligne Alexis Gonin, la transition « porte également l’idée d’un changement complexe, car systémique, englobant, généralisé, qui concerne tout le monde et tous les secteurs sur un espace donné (que celui-ci soit d’échelle locale, régionale ou mondiale)» (Gonin 2021).

À travers la Journée doctorale, « Terrains en transitions », il s’agit de proposer une réflexion sur la complexité des changements structurels induits par les phénomènes de transitions. Dans ce contexte, le concept de terrain représente un « dispositif intellectuel » (Calberac 2011) particulièrement intéressant. Celui-ci constitue à la fois un objet de recherche, des méthodes et des pratiques dans une visée heuristique, ainsi que l’espace, cadre au sein duquel elles sont mises en place (Lévy et Lussault 2013). Ainsi, le terrain, par son aspect polysémique (Brunet, Ferras, et Théry 1992), inclut les dimensions géologiques, topographiques ainsi que sociales. Ainsi, tout en mettant en avant « le concret, la pratique, l’espace que l’on parcourt pour une étude de terrain en étant ‘sur les lieux’» (Brunet, Ferras, et Théry 1992), le terrain participe à la structuration des données et à la vérification des hypothèses (Calberac 2010).  

La journée doctorale « Terrains en transition », organisée conjointement par des doctorant.e.s des laboratoires Discontinuités de l’Université d'Artois et Territoires, Villes, Environnement & Société (TVES) de l’Université de Lille et de l’Université du Littoral Côte d'Opale, vise à proposer un moment d’échange pour les jeunes chercheuses et jeunes chercheurs. 

Axes de réflexion

Axe 1 : Faire du terrain en transition

Au travers des changements dans les pratiques des populations, les modifications subies par l’environnement physique, ou encore les cadres théoriques et conceptuels, tout chercheur se doit de composer avec les changements, les ruptures, les recompositions à l’œuvre sur son terrain d’étude. Il est donc principalement question de voir comment les transitions occurrentes sur le terrain d’étude du chercheur peuvent également mener à des transitions dans les pratiques de la recherche.

Ce premier axe propose d’aborder la question de la transition dans une optique méthodologique. On s’intéressera ainsi à la manière dont les transitions peuvent, à différents niveaux, interférer sur le terrain de recherche jusqu’à la définition même de celui-ci, mais également orienter le choix des population-cibles, des hypothèses de travail, ou encore des méthodes et outils employés.

Ces modifications, bien que se manifestant le plus souvent sous la forme de ruptures ou d’ajustements vis-à-vis des travaux et de la littérature passés, peuvent également avoir lieu sur une temporalité bien plus courte, au sein-même d’un travail de recherche. L’actualité récente, que ce soit la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine, ou encore la recomposition du paysage politique national, peuvent modifier les conditions d’accès aux terrains physiques ou aux population-cibles, ou entraîner l’irruption de certains sujets ou préoccupations dans le discours des individus.

Dans cette optique, les présentations pourront par exemple concerner :

  • La mise en œuvre de stratégies d’immersion ou d’observations originales dans un but de recueil de données ;

  • L’appropriation de nouveaux outils, en particulier numériques (entretiens en visioconférence, exploitation des réseaux sociaux, etc.), afin d’atteindre les population-cibles ;

  • La mobilisation de démarches réflexives afin de répondre à la nécessité toujours plus grande de se positionner en tant que chercheur(e) vis-à-vis de son sujet ;

  • L’utilisation de supports de travail innovants ou ludiques dans des démarches de médiation et/ou de la communication des résultats de recherche.

Axe 2 : Révéler les transitions à travers les terrains

Ce second axe constitue une approche thématique de la question des transitions qui sont révélées à travers les terrains de recherche. De natures multiples, ces transitions peuvent constituer, à la fois un « projet de société » ou encore un « changement observé » (Gonin 2021). Ainsi, cet axe propose d'interroger les transcriptions et répercussions des transitions au sein des terrains d’étude, ainsi que de porter une analyse sur les phénomènes de changement qui interviennent dans la structuration des terrains.

Par leurs composantes spatiales et géographiques, celles-ci peuvent concerner les évolutions des récits, des politiques publiques, des pratiques, de systèmes d’acteurs (Lévy et Lussault 2013) et sont autant d’objets de recherches qui peuvent traduire un changement d’état, un processus, un mouvement. Ces phénomènes intègrent des échelles (Beucher et Mare 2021) et des temporalités diverses dont la mise en cohérence peut représenter un défi en soi. 

S’inscrivant dans des champs disciplinaires multiples, les transitions qui accompagnent les territoires ainsi que les pratiques des acteurs induisent des évolutions de l’espace à la fois habité, vécu et conçu (Lefebvre 2009). Dans ce sens, les terrains en transition sont caractérisés également par des phénomènes de changement des spatialités et de paysage territorial. Ainsi pour Roger Brunet, il est possible de définir les « paysages » et les « espaces » en transition (Brunet, Ferras, et Théry 1992). 

Les communications, centrées autour de la mise en évidence et la caractérisation des transitions qui émergent du travail de terrain, peuvent apporter des éléments de réponse aux questions suivantes : 

  • Comment les acteurs s’approprient les questions de transitions ?

  • De quelle façon les terrains traduisent et sont impactés par des transitions ?

  • Comment se traduit l’interdépendance entre les phénomènes de transition et les pratiques sociales et spatiales ? 

  • Quels phénomènes émergent au sein de terrains en transition ?

  • Comment les terrains se transforment et évoluent dans un contexte de transition ?

  • Quelles temporalités caractérisent les transitions des terrains ?  

Bibliographie

Beucher, Stéphanie, et Marion Mare. 2021. « Cadrage épistémologique de la notion de transition en sciences humaines et en géographie ». Bulletin de l’association de géographes français. Géographies 97 (4): 383‑94.

Brunet, Roger, Robert Ferras, et Hervé Théry. 1992. Les mots de la géographie: dictionnaire critique. Montpellier, France: RECLUS.

Calberac, Yann. 2010. « Terrains de géographes, géographes de terrain. Communauté et imaginaire disciplinaires au miroir des pratiques de terrain des géographes français du XXe siècle ». Phdthesis, Université Lumière - Lyon II. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00551481.

Calberac, Yann. 2011. « Le terrain des géographes est-il un terrain géographique ? » Carnets de géographes, no 2 (mars). https://doi.org/10.4000/cdg.2783.

Chabot, Pascal. 2015. L’Âge des transitions. Presses Universitaires de France. https://doi.org/10.3917/puf.chabo.2015.01.

Gonin, Alexis. 2021. « Transition territoriale ». Géoconfluences. mai 2021. http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/transition-territoriale.

Lefebvre, Henri. 2009. Le droit à la ville. 3e éd. Anthropologie. Paris: Economica-Anthropos.

Lévy, Jacques, et Michel Lussault. 2013. Dictionnaire de géographie et de l’espace des sociétés. La Documentation Française. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01252959.

Meadows, Dennis, Donella Meadows, Jørgen Randers, et William W. Behrens III. 1972. Limits to Growth. A POTOMAC ASSOCIATES BOOK. New York: Universe Books.

 
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